jeudi 21 février 2013

Enigme Gilles de Rais


Ange ou démon, victime ou bourreau ?
Par François Ribadeau Dumas
Paru dans : Actualité de l’histoire mystérieuse

Gilles de Rais, en cette fin de Moyen Age, serait-il déjà un seigneur de la Renaissance ? Gilbert Prouteau
Voici le premier procès stalinien de l’Histoire ! Maurice Garçon.

La récente parution de nouveaux ouvrages sur Gilles de Rais renouvelle le problème de la vraie nature et des exploits du célèbre baron, compagnon de Jeanne d’Arc.
Trois thèses s’affrontent :
- La majorité des historiens vilipendent, souvent férocement, Gilles et le prétendent vrai monstre, le disent créature de Satan. Ceci depuis Michelet, Eliphas, Levi, Stanislas de Guaïta, Huysmans, Georges Bataille, Michel Tournier, Roland Villeneuve jusqu’à l’abbé Bossard, incroyable et Alain Decaux, impitoyable.
-Mais Gille de Rais a aussi ses défenseurs qui clament son innocence, et dénoncent son martyre injustifié , tels Maurice Garçon, Lucien Descaves, André Billy, l’Abbé Mugnier, Jean-Yves Goéau Brissonnière, Gilbert Prouteau, Gabriel Monod, Jean-Pierre Bayard et Salomon Reinach.
Enfin une troisième thèse assimile Gilles de Rais aux Cathares, à l’un de ces Parfaits qui vénéraient Lucifer, porte Lumière, l’Archange voulu par le Créateur, pur avant la Chute.

Une jeunesse ardente
Gilles, baron de Rais, naît en octobre 1404 dans une famille de saigneurs : il est parent des Montmorency Laval, neveu de Du Guesclin, allié au Plantagenet, qui ont donné plusieurs rois à l’Angleterre.
Son enfance se déroule au château de Chantocé où il reçoit une éducation très religieuse. Il affectionne la lecture, apprend le latin, goûte les Arts, et fait des Confessions de saint Augustin, son livre de chevet.
Après le décès de ses parents, c’est son grand-père, le baron de Craon, au service de Jean V de Bretagne, qui lui apprend le maniement des armes. Les chroniques disent Gilles beau, grand, élancé, ayant tous les dons, l’élégance, le charme et le courage.
A 16 ans, il est fiancé à une très riche héritière, la fille du vicomte Alain de Rohan, seigneur de Porthoêt et nièce du roi Jean V, duc de Bretagne. La dot comprend des domaines et des châteaux, tant en France qu’en Bretagne.
Aux côtés de son grand-père, il combat à Lamballe, Ludi – où il tue un capitaine anglais -, à Clisson, les Essarts – où il aide à la prise d’une place forte et s’en voit, à Nantes, félicité par jean V, puis par le Dauphin, le futur Charles VII. La Chevalerie lui rend les honneurs.
Le jeune gentilhomme est porteur d’un avenir prometteur. Nommé compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, il combat avec elle, entre à Orléans, Jargeau, gagne Beaugency... Lors du sacre de Charles VII à Reims le 17 juillet 1429, il porte la sainte Ampoule. Ce même jour le roi le nomme Maréchal de France.  Il a 24 ans et est déjà au faîte de sa gloire.
Hélas, jeanne d’Arc est blessée, puis capturée par les Anglais (la légende raconte qu’elle monte sur le bûcher le 30 mai 1431)
Désespéré, Gille de Rais décide d’abandonner les armes et de se retirer dans ses châteaux. Le 15 août 1534* ( ????? 104 ans après le « bûcher ???)  il est promu à Poitiers chanoine de Saint Hilaire. Le guerrier devient mystique, mais n’en va pas moins continuer à mener une vie brillante.
Désespéré, Gille de Rais décide d’abandonner les armes et de se retirer dans ses châteaux. Le 15 août 1434 (il est promu à Poitiers chanoine de Saint Hilaire. Le guerrier devient mystique, mais n’en va pas moins continuer à mener une vie brillante.

Le temps des fêtes
En son château de Machecoul, c’est la grande vie. Entouré de sa cour, de ses chevaliers, de ses prélats, parmi ses serviteurs et ses soldats, Gilles de Rais vit dans le faste. Ce ne sont que Luxe, fêtes et processions. Gilles et son épouse aiment le théâtre. Les Mystères sont à la mode, ils en font jouer plusieurs.
Au château, il héberge des petits comédiens, les Enfants Sans Souci, les Clercs de la Basoche. Tous les soirs, l’on joue et l’on chante. Gilles de Rais compose même un spectacle où il joue un rôle qui n’est pas  que de composition : Le Siège d’Orléans (Jean-Pierre Bayard, dans son remarquable ouvrage en donne des extraits)
Gilles a été nommé Lieutenant Général du duché de Bretagne et est partout reçu avec éclats. Il fonde à grands frais le Collège des Saints Innocents avec chanoines et enfants de chœur. Cette vie trop brillante va avoir trois conséquences fâcheuses :
- Ce jeune et trop glorieux baron provoque la jalousie, la malveillance et la perfidie
- Il dépense l’argent sans compter, vend à tour de bras ses fermes, ses châteaux, ce qui agace, puis excite la fureur du roi de France, comme du duc de Bretagne ; les querelles commencent : chacun veut profiter de sa prodigalité ;
-L’argent commençant à manquer, Gilles de Rais tente alors d’en faire par les procédés alchimiques. A lui le Grand Œuvre de la transmutation !

Magie et alchimie
Pratiqué depuis la plus haute antiquité égyptienne, l’art alchimique jouit, à cette époque d’une certaine considération : c’est presque une mode. Nicolas Flamel est admiré. Les manuels d’Albert le Grand, les Douze Clefs de la Philosophie, du frère  Basile Valentium, qui voit dans l’Alchimie l’évocation de la Sainte Trinité sont sans cesse consultés.
Aidé par l’abbé Eustache Blanchet, Gilles aménage, en 1435, des pièces de son château : cornues, alambics, réservoirs, flacons, four à charbon… Grimoires en main, les voilà qui chauffent jour et nuit pour la transmutation, pour faire de l’or. En vain.
L’abbé Blanchet conseille alors de faire venir d’Italie un chimiste fameux, le frère François Prelati, adjoint de l’évêque de Montifroglio à Florence. Il arrive en 1438. Prelati pratique la magie cérémonielle. On trace à terre, un cercle, on y grave, au poignard, les mots sacrés, à genoux, on invoque les esprits de l’au-delà, on brûle de l’encens, de la myrrhe et parfois on sacrifie une colombe, un pigeon, un coq…
Les tentatives, les recherches durent deux ans au cours desquels on allume des feux, on trace au sol d’étranges figures, on invoque le ciel jusqu’au plus profond des forêts. Le très religieux Prelati va-t-il jusqu’à passer de la Magie Blanche à la Magie Noire ? Bien des grimoires invoquent un Esprit inquiétant ; le Démon ? Une énigme subsiste. Mais pas pour l’Inquisition.
C’est alors que surgit l’affaire Le Ferron. Gilles à vendu à Guillaume Le Ferron, trésorier du duc de Bretagne, le château et le domaine seigneurial de Saint-Etienne, mais il n’est toujours pas payé. Furieux, Gilles de Rais décide de se faire justice. A la Pentecôte 144O, ayant appris que le frère du trésorier, Jean Le Ferron, assiste à la grand-messe de Saint-Etienne, il s’y précipite avec ses hommes d’armes, investit l’église, se saisit de Jean Le Ferron (qu’il transfère dans son fief de Tiffauges) et récupère son ancien château en l’envahissant.
Colère du duc de Bretagne, qui inflige à Gilles une forte amende et le fait arrêter le 15 septembre 1440. Non seulement le duc fait saisir tous les bien de Gilles de Rais, mais il confie le procès à son ami et obligé Jehan de Malestroit, évêque de Nantes, Président du tribunal ecclésiastique et adepte du célèbre et redoutable abbé Cauchon.
Un gigantesque et exceptionnel procès commence.

Une enquête forcenée et féroce

Ce fut, pour Me Maurice Garçon, le procès le plus hallucinant de l’Histoire. Ayant été l’assistant de l’abbé Cauchon, qui avait fait tout avouer à Jeanne d’Arc pour la brûler, Jehan de Malestroit déchaîne contre le baron tous les sbires de l’Inquisition. L’enquête forcenée et féroce.
On rassemble toutes les rumeurs, les haines, les méchancetés et les scandales vrais ou faux. Le réquisitoire est effroyable, le baron est accusé de : hérésie, schisme, apostasie, simonie, sacrilège, pédophilie, viols, assassinats. On ne peut mieux.
Jehan de Malestroit, l’inquisiteur Jean Blouyn, trois évêques et le curé de la paroisse viennent le communiquer à Gilles de Rais. Il explose. Violemment, il récuse son juge, proclament sa complète innocence, à l’exception de l’attaque de Ferron à l’Eglise.
Le 13 octobre 1440, Gilles de Rais est excommunié. Ses juges décident de lui communiquer les dépositions qui l’accablent. L’une des plus terribles est celle du frère François Prelati, le clerc tonsuré d’Arezzo : il affirme que Gilles à invoqué le Démon !
Venu de Florence et bien accueilli par le baron, explique le moine italien, il a reçu les confidences du baron sur ses échecs en Magie Blanche. Alors lui, Prelati, lui a proposé la Magie cérémonielle, puis la Magie démonique. Au château de Tiffauges, après de nombreuses suppliques et incantations, le Diable s’est fait entrevoir. C’est un beau jeune homme de vingt ans qui ne fait qu’apparaître. Gilles le rappelle après qu’il ait disparu : viens, accède à ma volonté. Je te donnerai tout ce que tu voudras, excepté mon âme et ma damnation !
Le Diable revient, vêtu d’une robe violette et d’un manteau de soie… La même scène se serait reproduite à Machecoul, à Bourges. Mais chaque fois, Satan n’apporte toujours pas l’or. Aussi le baron brandit-il lors d’une apparition, une relique de la Vraie Croix : Satan en disparaît à jamais.
L’inquisiteur, ensuite, le 17 octobre, montre à Gilles de Rais la déposition de son ami et complice, l’abbé Eustache Blanchet. L’abbé y confirme avoir entendu le baron crier Viens Satan, et confirme la rumeur persistante selon laquelle il attirait des enfants au château. Le diable en effet, exigeait plus ! Et il rossa même le baron qui s’en était plaint à son entourage. Oui, des petits garçons ! Et comme Gilles avait un certain penchant, il les violait après les avoir caressés et les tuait de son poignard, goûtant leur agonie tout en les offrant à Satan.
Un autre témoin confirme tout cela : le serviteur Poitou. Il précise qu’on a trouvé maints ossements au château qu’ils ont été brûlés, et que les cendres en ont été jetées au vent ; Poitou précise la débauche libidineuse du baron. Sa façon de brandir sa verge, de pénétrer les petits, de verser le sperme sur l’enfant.
Un autre serviteur familier, Henri Guiart, précise que le baron aimait à battre les petits et les faire pleurer, puis les pénétrer, même morts.
Pareilles déclarations terrorisent Gilles. Et l’évêque lui déclare qu’il ira en Enfer après sa mort, et qu’on va le soumettre à la question.
Epouvanté, Gilles de Rais s’effondre en pleurant. On lui promet que s’il avoue, il pourra être relevé de son excommunication.
Il accepte et demande qu’on l’enterre en terre chrétienne à l’église. Sa requête n’est pas repoussée. Il fait alors une confession totale.
Jean-Pierre Bayard a publié ladite confession : elle est épouvantable ; le baron reconnaît tous les crimes dont on l’accuse, tous ses méfaits, y compris les plus horribles. Il est condamné au bûcher, comme Jeanne d’Arc.

Après les feux du bûcher

Son châtiment est prévu à Nantes pour le 6 octobre 1440, Gille de Rais obtient de l’évêque, de l’inquisiteur et de ses assesseurs, les évêques :
-           Le rejet de l’excommunion et son retour en l’Eglise
-           De ne pas trop souffrir lors de son supplice. On l’étranglera dès les premières flammes
-           De nobles funérailles, avec grande affluence
-           Pourvoir reposer en l’église des Carmes, avec procession et bénédiction.
Apaisé, il meurt courageusement, montant sur le bûcher en invoquant saint Michel, saint Jacques et la Vierge Marie. Il proclame au peuple accouru son amour de Dieu, le remerciant de le recevoir.
A ses côtés, on pend et brûle Henri et Poitou, ses deux serviteurs. Puis sa dépouille est ensevelie aux Carmes, voisine du tombeau des ducs de Bretagne. Le clergé, à la foule amassée, célèbre sa Rédemption. Certains de ses ossements sont transformés en reliques aussitôt très recherchées.
En haut-lieu, c’est la satisfaction. L’abbé Blanchet, le dénonciateur, a été libéré avec d’autres complices. Prelati s’est enfui. Quant au duc de Bretagne, il a confisqué tous les biens de Gilles de Rais.
On a rapporté qu’après le supplice du baron, le roi de France, comprenant les agissements du duc de Bretagne, émit les plus vifs doutes sur la validité du procès. Il parla même de réhabiliter l’ancien maréchal de France.
Gilles de Rais entre dans la légende.
D’innombrables livres, de nombreux films, conférences, sermons… s’inspireront de cette monstrueuse affaire de sorcellerie.
Au XIXe siècle, un certain abbé Eugène Bossard « révélait » que le baron, c’était Barbe-bleue ! Un mythe pour effrayer les femmes trop belles et infidèles. Sur les conseils de l’abbé, il fallait aller en pèlerinage dans les châteaux du baron, à la recherche du spectre des belles égorgées…
Dans un article du Figaro Magazine, il a été écrit que vouloir réhabiliter Gilles de Rais, c’était  attaquer l’Eglise et un mythe ! Oublions alors les procès de Galilée, des Templiers, des Cathares, de Jeanne d’Arc… Déjà, en son temps, Voltaire, éternel sceptique, ricanait…
Retenons lavis de Me Maurice Garçon, professeur et avocat au Palais de Justice de Paris, qui écrivait : procédure préfabriquée, pièces falsifiées, témoins subornés. Pas d’avocat, pas de pièces à conviction, pas de témoignages directs… C’est l’église du Diable.
Le professeur Henri Laborit invite, lui, à réagir violemment à l’injustice du procès de Gilles de Rais. Pour Jean-Pierre Bayard, tous les clichés employés par le Tribunal de l’Inquisition se retrouvent dans ce procès… Nous en savons maintenant toute l’iniquité.
Faut-il croire aux accusations et faut-il croire en la Rédemption du « satanique » maréchal de France ?
Concluons avec Paul Valéry : ce qui a été cru par tous, toujours et partout, a toutes les chances d’être faux.
 Source Actualité de L’Histoire Mystérieuse

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