mercredi 27 février 2013

U Prighjuneru poème d'un prisonnier corse


U Prighjuneru
                                                                      ( Le prisonnier) 3 Janvier 2013                                                                              
Le soleil s’est couché derrière la colline,
Mais je ne puis le voir de ma froide cellule.
Cependant je le sens et puis je le devine,
Car la nuit va venir et le grand duc hulule.
J’imagine la Corse et ses printemps si doux
Dans l’odeur du maquis, capiteuse et poivrée…
Je revois la montagne dans l’automne un peu roux
Et le berger sévère sur le roc appuyé.

Ecris- moi !! Je t’en prie !! Tes lettres se font rares !!
La dernière est de juin, nous sommes en hiver !!
J’ai froid et je suis seul en ce séjour barbare,
Et les murs salpêtrés sont privés de lumière.

Je respire un feuillet que tu m’as adressé,
Tes yeux se sont posés où se posent les miens.
Ta main pâle et nerveuse a des lignes tracées,
Sur la page fragile où se meurt ton parfum.
Je pense à toi si belle, à ta hanche arrondie,
A ton sein palpitant, à tes cheveux déliés,
Et je rêve à tes sucs au creux de notre lit.
J’ai peur d’avoir perdu le goût de tes baisers…

Comment vont les enfants ? Sampieru a-t-il grandi ?
Et Laetizia si belle, celle qui a mes yeux
Et puis Matté, l’ainé, chair de ma chair meurtrie
Qui jouait avec le chien, dedans le chemin creux.
Parle- moi de Babbone, et de ma mère aussi ;
Parle- moi de Constance aussi d’Eléonore,
Du moulin, des troupeaux et puis des brilluli
De ceux que tu faisais quand je vivais encore !!...

Voilà que je divague !! Il faut raison garder !!
Encore deux années et puis je sortirais.
Je veux voir la maison et puis recommencer,
Vivre !! Te rendre heureuse !! Tout cela tu le sais.

Las !! Ici je n’entends que des ordres aboyés,
Des portes bousculées, des rires et des cris,
Des  bruits  de lourds barreaux cognés avec excès.
Des remugles épais montent dans l’air moisi.

Ecris-moi !! Scrivimi !! Ne me laisse plus seul !!
Tes missives sacrées sont un peu de la Corse,
Et la nuit qui se ferme, telle un pâle linceul
Me prive de ta vie et de ta jeune force.


Je mouille de mes larmes le feuillet sans éclat,
Oh ! Ma douce princesse ! Ma femme tant aimée !
Oh ! Toi ma déchirure, non, ne me laisse pas !!
Viens apaiser le feu de mon âme troublée !!

Et dans une semaine ou dans deux jours peut-être,
Je verrais l’enveloppe sur la table de fer,
Les murs s’écrouleront et tout va disparaître !!
Ton amour me dira et la fleur et la mer.

Et je m’envolerais, libre tel un oiseau,
Vers la Corse qui flambe dans l’été revenu,
Du feu de ses lumières, de l’or de ses hameaux,
Ma prière au Seigneur montera vers les nues.

Oh ! Corsica si belle ! Fais que je te revoie !!
Oh ! Dieu que je vénère dans la nuit refermée,
Apporte-moi la paix et puis entends ma voix,
Et  fais qu’elle écrive pour ne pas succomber !!

A Strega

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