samedi 29 décembre 2012

Grain d’Aile.


Il était une fois une petite fille très gentille et si légère, si légère que sa maman s’étonnait de ne pas la sentir peser dans ses bras. Aussi l’appelait-on d’un nom léger : Grain d’Aile.
Grain d’Aile courait très vite, plus vite que les grands garçons. Et en sautant, elle cueillait les plus hautes noisettes des noisetiers, les plus hautes pommes des pommiers, et même les cerises du grand cerisier, qu’on laissait d’habitude aux oiseaux.
Elle se posait sur les plus fines branches sans les casser, comme un oiseau. Quand elle se  laissait retomber dans l’herbe, elle avait pitié des sauterelles, des pauvres sauterelles vertes et maladroites comme des grenouilles et qui se donnaient tant de mal.
Mais ce qu’elle aimait le plus, c’étaient les papillons.
Elle était jalouse quand elle les voyait zigzaguer, heureux comme des poissons dans l’eau.
Les contes qu’elle préférait étaient ceux où l’on voit des enfants voyager sur les ailes d’un aigle, d’une cigogne ou sur un tapis volant.
Quand elle rentrait de l’école, vite, elle montait au sommet du sapin devant la maison. Trois branches luis faisaient un fauteuil à sa taille. Et jusqu’au soir, elle restait à bavarder avec ses amis les oiseaux.
Un beau jeudi que Grain d’Aile était installée dans son sapin, elle s’et mise à pleurer. Tous les oiseaux volaient à travers la campagne, elle était seule. Grain d’Aile pleurait, pleurait... Soudain, elle a senti sur ses joues une petite langue râpeuse et une petite patte soyeuse qui essuyait ses larmes.
En levant les yeux, elle a vu, tout contre elle, le plus étonnait écureuil qui soit. Son pelage brillait comme le feu, sa queue était ébouriffée et ses yeux vifs semblaient parler. « Veux-tu vraiment voler comme les oiseaux, comme la pie et comme la mésange ?...Veux-tu avoir des ailes ? Mais tu n’auras plus de bras, tu ne seras plus une vraie petite fille...
-Oh ! Ecureuil, donne-moi des ailes !
-Bien, dit l’écureuil, mais si tu le regrettes, viens me voir demain, au coucher du soleil, et tu pourras redevenir comme avant.
Alors l’écureuil a dit des mots très savants.
Grain d’Aile a senti aussitôt des chatouillements le long de ses bras. Ils se couvraient d’un fin duvet blanc, puis de plumes blanches : Grain d’Aile avait des ailes. Folle de joie, elle est partie comme une flèche vers la forêt voisine.
Grain d’Aile est allée si loin que la nuit l’a surprise et qu’elle s’est endormie dans la forêt. Un vieil hibou, très sérieux avait été chargé de veiller sur elle. Grain d’Aile a été réveillée par le chant des oiseaux. C’était la première fois qu’elle se réveillait en plein air, et cela lui a semblé merveilleux.
Puis elle s’est aperçue qu’elle mourait de faim, et elle s’est demandé si ce n’était pas l’heure d’aller à l’école. Elle est montée très haut pour voir sa maison et a foncé par la fenêtre ouverte dans la cuisine où la famille déjeunait. Grain d’Aile s’est précipité au cou de sa mère. Hélas ! Avec ses ailes, elle ne pouvait plus la prendre par le cou ! et quand il a fallu manger, on a dû lui donner la becquée comme à un bébé.
Ses frères, qui avaient d’abord tant admiré ses ailes, ont commencé à se moquer d’elle. Et comment porter son cartable ? Et écrie à l’école. Puis Grain d’Aile a pensé à sa poupée...Comment l’habiller, la changer. Comme d’est peu pratique, des ailes, quand il ne s’agit pas de voler. Grain d’Aile s’est mis à réfléchir. Elle voulait redevenir une vraie petite fille. Pas un instant à perdre ! Le soleil se couchait.
Grain d’Aile a volé pour la dernière fois jusqu’au sapin. L’écureuil était là. Il n’a pas posé de questions. De nouveau, il a prononcé les mots magiques...
Et Grain d’Aile a été aussi joyeuses de retrouver ses bras qu’elle l’avait été la veille d’avoir des ailes.

D'après Paul Eluar.  Grain d'Aile  ed. Gallimard

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