Renard et Chantecler

Un joli matin de mai, Renard se glisse dans la cour du fermier Constant. Il aperçoit Chantecler, le coq, qui picore au soleil. En voyant Renard approcher, Chantecler saute sur un tas de bois.

Holà ! Beau cousin, dit Renard, d’une voix douce, est-ce bien de vous méfier ainsi de moi ? Savez-vous que j’ai couru ce matin dix bonnes lieues¹ pour vous entendre chanter ?

Chantecler, à demi rassuré, répond :

Cousin Renard, vous cherchez à me jouer un tour.

Ma foi non ! jure Renard, et je veux qu’on me coupe une patte s’il vous arrive quelque malheur par moi.

Chantez donc un air, je vous en prie.

Un œil fermé et l’autre ouvert, car il a un doute, Chantecler lance un bref cocorico.

C’est bien, dit Renard, mais vous ménagez votre voix. Mon père disait que vous chantez encore mieux quand vous fermez les yeux.

Chantecler, flatté, ferme les yeux, gonfle son cou et pousse un long cocorico.

Renard n’attendait que cette occasion : il bondit, attrape le chanteur par le cou, et se sauve vers la haie, tout joyeux d’avoir gagné son déjeuner.

Renard s’est enfui en emportant Chantecler.

Mais les poules font tant de tapage que Constant, le fermier, sort avec des paysans. Ils aperçoivent Renard qui galope, tenant Chantecler à pleine gueule.

Courons vite ! crie Constant, c’est renard le roux, Renard le galeux, Renard le voleur...

Renard, qui a une bonne avance, se moque d’eux et Chantecler se croit perdu, à moins de s’en sortir par la ruse.

Eh ! Renard ! dit-il soudain, entendez-vous comment ces paysans vous traitent ? Répondez-leur donc avant de franchir l’enclos.

Renard, qui trompait tout le monde, est bien trompé cette fois-ci.

Courez, coure derrière, crie-t-il aux paysans qui le poursuivent, jamais vous ne m’attraperez !

Quand Chantecler sent se desserrer la gueule de Renard, il bat des ailes et s’envole sur un pommier.

Les chiens arrivent. Renard, furieux d’avoir laissé échapper sa proie, n’a que le temps de regagner les bois.

1 Une lieue c’est quatre kilomètres

D’après le Roman de Renart