D’où vient l’hommage rendu par plusieurs nations à un héros inconnu de la Première Guerre mondiale
Le tombeau du Soldat inconnu et le symbole qu’il incarne doivent leur origine à un imprimeur de Rennes, M. François Simon, président du Souvenir français de cette ville. La guerre l’avait cruellement éprouvé : un de ses fils était tombé sur le front, un autre avait été grièvement blessé. Un jour de 1916 il assistait, au cimetière de Rennes, à l’inhumation de soldats, morts au champ d’honneur, dont les restes avaient été ramenés du front. Il posa cette question :
-pourquoi la France n’ouvrirait-elle pas les portes du Panthéon à l’un de ces combattants ignorés, morts bravement pour la Patrie, avec deux mots seulement comme inscription sur sa tombe : Un Soldat, et deux dates : 1941-19.. ?
Ainsi lancée, l’idée fut reprise e, 1918 par un député, Maurice Maunoury, et bientôt soutenue par plusieurs journaux. Elle reçut une première consécration officielle le 12 novembre 1919 quand la Chambre des députés en accepta le principe : le corps d’un soldat inconnu serait transporté au Panthéon. Mais plusieurs associations d’anciens combattants s’élevèrent contre l lieu choisis. Il fallait au Soldat inconnu, alléguèrent-ils une sépulture unique au monde, digne de lui et de ses frères d’armes. L’écrivain Binet-Valmer proposa alors l’Arc de Triomphe et lança une campagne énergique pour faire triompher son point de vue. Finalement, le président du Conseil d’alors, Georges Leygues, s’y rallia et tous les députés avec lui. Le 8 novembre 1920, la Chambre votait à l’unanimité une loi aux termes de laquelle les honneurs du Panthéon seraient rendus trois jours plus tard, le 11 novembre, aux restes d’un des soldats non identifiés morts au champ d’honneur au cours de la guerre 1914-1918. Puis, le jour même, les restes de ce soldat seraient inhumés sous l’Arc de Triomphe.
Ainsi naquit une coutume qui devait faire le tour du monde. La façon selon laquelle on choisit le Soldat inconnu devait aussi servir de modèle aux autres pays.
Dans huit secteurs militaires différents : Flandre, Artois, Somme, Ile-de-France, Chemin des Dames, Champagne, Verdun, Lorraine, un corps non identifié fut choisi et transporté dans la citadelle de Verdun le 9 novembre 1920. Cette nuit-là, les cercueils dépourvus d’inscription, entourés d’une garde d’honneur, furent changés plusieurs fois de place afin que leur anonymat fût total et qu’on ne pût même dire de quel secteur chacun d’eux provenait.
L’honneur du choix final échut à un jeune fantassin, le simple soldat Auguste Thin, fils d’un combattant disparu. Devant les personnalités officielles et les troupes au garde-à-vous, Thin passa la rangée de cercueil en revue et, s’arrêtant devant l’un d’eux, y déposa un bouquet de fleurs cueilli sur le champ de bataille de Verdun.
Le soir même, le Soldat inconnu gagnait la capitale et, le matin du 11 novembre, était déposé dans une chapelle ardente à l’intérieur de l’Arc de triomphe, en haut des deux cents marches qui mènent au sommet du monument.
Tandis que le train emmenait l’Inconnu à Paris, un destroyer britannique, H.M.S. Verdun, franchissant la Manche, amenait un autre corps en Angleterre. Il s’agissait d’un soldat britannique. Nul ne savait si c’était un fantassin, un marin ou un aviateur, s’il était originaire de Grande-Bretagne ou de l’un des Dominions ; mais il avait été tué en France et enterré dans une tombe anonyme. Au cours d’une cérémonie solennelle à l’abbaye de Westminster, il fut réinhumé en terre française, 100 sacs de glaise provenant des champs de bataille du Nord ayant été transportés en Angleterre à cet effet.
Un an plus tard, c’était au tour du Soldat inconnu américain. A Arlington, le cimetière national qui se trouve aux abords de Washington, sa sépulture fut aménagée de telle sorte que le cercueil repose sur une couche de terre française épaisse de 5 centimètres.
La même année, le Soldat inconnu français quittait son abri provisoire au sommet de l’Arc de Triomphe, pour occuper sa place définitive sous l’Arc même, dans l’axe de l’Avenue des Champs-Elysées-Avenue de la Grande-Armée. Et le 28 janvier 191, en présence des membres du gouvernement, des maréchaux Foch, Joffre et Pétain, du premier ministre de Grande-Bretagne, M. Lloyd George, et du corps diplomatique, le cercueil du Soldat inconnu, enveloppé dans un drapeau tricolore et décoré de la Légion d’honneur, de la médaille militaire et de la croix de guerre, fut placé dans son caveau définitif. On scella sur lui une grande dalle de granit où sont gravés ces mots :
« Ici repose un soldat français mort pour la patrie (1914-1918) » et où brûle en permanence une flamme alimentée au gaz."
Trois autres pays encore ont suivi cet exemple. L’Italie a placé son Soldat inconnu à Rome, dans le monument élevé à la gloire de Victor-Emmanuel II. La Belgique a inhumé le sien à Bruxelle, au pied de la colonne qui commémore le Congrès national de 1830, où fut proclamée l’indépendance de la Belgique. Le Soldat inconnu portugais repose dans le couvent de Batalha, à 110 kilomètres de Lisbonne, qui abrite la sépulture des rois du Portugal.
C’est ainsi qu’une noble idée jailli de l’esprit et du cœur d’un simple imprimeur français un soldat inconnu, consacrée par plusieurs nations, s’est transformée en un culte émouvant, en un hommage éternel.
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