mardi 11 décembre 2012

Conseils d'une Mère aux aux Mamans


Une mère de famille explique qu’il est beaucoup plus commode d’être incompris quand on veut s’affirmer.

On nous recommande tellement de faire preuve de compréhension à l’égard de nos enfants que nous en arrivons souvent à ne plus nous rendre compte qu’ils ont besoin aussi d’être incompris. Quand notre fille de de quatorze ans dut, à la fin des vacances, s’arracher à son premier « béguin », je lui manifestais tant de compassion que je lui gâtai tout le plaisir qu’elle prenait à souffrir.je savais donc à quoi m’en tenir quand ce fut le tour de la cadette et je lui déclarai impitoyablement qu’elle trouverait bien d’autres garçons sur son chemin. Elle n’en savoura que mieux son chagrin et eut la joie de pouvoir me dire :
-Oh ! Maman ! Vraiment tu ne comprends rien !
A la vérité, les enfants ne souhaitent pas qu’on les comprenne. L’an passé, notre fils de treize ans n’ayant pu se faire admettre dans l’équipe de basket de son collège, j’essayai de « comprendre ».
-Je ne m’étonne pas que tu sois déçu, lui dis-je. Je trouve ça vraiment épouvantable.
Il éclata aussitôt :
-Oh ! Je t’en prie, n’en fais pas tout un plat ! Ça n’a pas une telle importance.
Aussi, cette année, ai-je adopté l’attitude diamétralement opposée :
-Le basket ? Peuh ! Quelle importance ?
De nouveau, il m’a rembarrée mais, cette fois-ci, en me faisant remarquer que c’était justement « très important ». Quand il lui arrive quelque chose de désagréable, il tient surtout à ce que je ne le « comprenne » pas, de façon à pouvoir passer sa mauvaise humeur sur moi au lieu de tout garder pour lui.
Vous n’avez qu’à voir combien une adolescente se sent frustrée si elle ne peut pas se dire que sa mère ne la comprend pas. L’autre jour, notre fille s’est levée en soupirant :
-Ce matin, j’ai envie de détester tout le monde.
-Tout le monde ? fis-je
Elle réfléchit un instant, puis me répondit :
-C’est –à-dire... sauf papa, peut-être. Mais toi, en tout cas...
Les pères ne doivent pas, pour autant, se croire quantité négligeable : ils peuvent nous aider en ne comprenant pas leurs fils. Au fond, les choses n’ont pas sensiblement changé depuis que Mark Twain écrivait : « Quand j’avais seize ans, mon père ne connaissait rien à rien. Mais quand j’en ai eu vingt-deux, j’ai été stupéfait de tout ce qu’il avait pu apprendre en six ans. »
Je vais même jusqu’à trouver nécessaires ces gros, ces graves malentendus qui peuvent, nous dit-on « marquer » un enfant pour la vie. Car il faut bien se mettre dans la tête que l’enfant qui n’a jamais eu  de coup dur de ce genre risque fort de n’arriver à rien plus tard.
En voici un exemple : notre fille Jeanne avait onze ans lorsque nous eûmes avec elle une histoire épouvantable à propos de sa chatte préférée, Socquette. Les chats se multipliaient chez nous de façon inquiétante. Un beau matin, j’en comptais avec horreur une douzaine, sans parler de la nichée que Socquette élevait dans un tiroir de la commode de ma fille. Exaspérée, je raflai tous ces chats et les pourrai dans ma voiture pour aller les déposer à la SPA où l’on s’occupe de replacer les bêtes.
Quand Jeanne s’en aperçut, au retour de l’école, elle en eut un tel chagrin que nous essayâmes de récupérer Socquette, mais celle-ci avait déjà trouvé une famille. Aujourd’hui encore, Jeanne prétend que c’est sous le coup de ce traumatisme qu’elle s’est juré de nous quitter un jour pour faire du théâtre. De fait, à dix-neuf ans, elle nous a quittés et maintenant, à vingt-et-un ans, elle tient le premier rôle dans une troupe théâtrale en tournée.
Je crois aussi qu’il est préférable de ne pas comprendre les « phases » que traversent nos enfants, qu’il s’agisse de celles des menus larcins ou des petits mensonges. On nous dit que ce sont là des phénomènes de croissance absolument normaux et que, sans vouloir les excuser, nous ne devons pas nous montrer trop sévères. Allons donc ! quelle satisfaction pourrait trouver un enfant à essayer de se corriger d’une mauvaise habitude si maman ne voit là qu’un phénomène passager ?
Je sais maintenant, par expérience, que je puis sans remords adopter une attitude très ferme en pareille circonstance.  Je n’ai pas « compris » lorsque ma fille de quatre ans s’est emparée d’un cornet de bonbons chez l’épicier. Sans vouloir tenir compte e son jeune âge, je l’ai embarquée dare-dare dans la voiture pour qu’elle aille rapporter à l’épicier le paquet à moitié vide. Elle m’a rappelé cet incident des années plus tard alors que je lui faisais un cours de morale, en m’interrompant net :
-Ne t’en fais pas, maman ; je sais distinguer le bien du mal. Jamais je n’oublierai cet incident.
On insiste tant, à l’heure actuelle, pour que les parents se montrent compréhensifs, que nous en venons parfois à ne même plus manifester notre indignation. Quand j’étais petite, je passais les grandes vacances chez une grand-mère, une dame très collet-monté, à laquelle on n’avait jamais parlé des « phases » que traversent les enfants. Il m’arriva un jour de dire un gros mot, et je vis ma grand-mère se frapper la poitrine.
-Ecoute, ma chérie, dit-elle d’une voix blanche, quand tu dis cela, c’est comme si un couteau me touchait en plein cœur...
Je ne pense pas avoir été « marquée » parle sentiment de culpabilité que j’éprouvai alors, mais je fus rassurée à la pensée qu’une grande personne, non seulement pouvait prendre mes péchés à cœur, mais qu’ils pouvaient faire saigner son cœur.
Le plus contrariant dans toute cette insistance à vouloir comprendre nos enfants, c’est que nous, les parents, finissons par nous sentir en faute dès le moindre accrochage et cela surtout durant les années de lycée, au moment où les jeunes ont le plus tendance à se croire incompris. L’autre jour, je dis bien gentiment à ma  fille de de dix-sept ans :
-Je suis navrée ma chérie, mais il faut que je te prévienne que ta combinaison dépasse.
Elle se rebiffa et me lança :
-Franchement, maman, est-ce que tu ne pourrais pas retenir de critiquer sans arrêt ?
Nous sommes perpétuellement dressées l’une contre l’autre, mais j’ai cessé de m’en chagriner. Quoi que je dise, ces temps-ci, je suis toujours dans mon tort et j’ai fini par savoir pourquoi : ma fille éprouve le besoin de se savoir persécutée à la maison parce qu’elle cherche à fortifier son courage pour nous quitter.
Les oiseaux poussent leurs petits hors du nid. Nous nous y prenons de façon plus subtile en donnant aux nôtres des raisons de s’envoler. Peut-être en refusant de les comprendre, faisons-nous preuve, somme toute, d’infiniment de compréhension.

Dorothy Van Are

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