Au temps où les bêtes parlaient, il était un roi qui adorait les fleurs.
En ce temps-là, le réveille-matin n’était pas inventé.
C’est pourquoi les enfants n’allaient pas à l’école ; ils se réveillaient toujours trop tard.
Chaque matin, au lieu de réveiller le roi en musique, on le réveillait en mettant près de son lit, un pot de jacinthes, un vase de lys ou une gerbe de roses.
Le parfum des fleurs pénétrait doucement dans son rêve et le rappelait sur la terre.
Inutile de vous dire que l’hiver, il dormait tout le temps, car les fleurs sont rares et leur parfum léger. Au temps des perce-neiges, par exemple, il mettait une heure et demie à ouvrir les yeux, alors qu’au temps des lilas et du réséda, c’était l’affaire de cinq minutes.
Les hivers étaient longs alors, à cause des loups qui faisaient du vent en hurlant et, un printemps que le gel avait détruit toutes les jeunes pousses, tous les bourgeons et jusqu’à la plus petite violette dans les bois, le roi, qui dormait depuis novembre, a ouvert les yeux.
On était alors au début de mars. Il a demandé les premiers narcisses. On lui a répondu qu’il n’y en avait pas. Du coup, il s’est rendormi jusqu’à la fin d’avril, où il a fallu une grosse touffe de chèvrefeuille pour le réveiller tout à fait.
A sa naissance, ses parents l’avaient appelé Charmant.
Mais tous les habitants du royaume l’appelaient Marmotte.
D’après Françoise Mallet-Joris
Le roi qui aimait trop les fleurs
Ed. Castermann.
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